Bretagne Actuelle a choisi quatre livres d’auteurs différents. Nous leur avons posé les mêmes questions relatives à l’actualité, avec en fil rouge l’Europe et le régionalisme. Chacun répond en fonction de ses propres valeurs relatives à sa nationalité, son parcours, sa culture et son âge. Après la Bretonne Claire Fourier, le Belge Jacques Richard et le Suisse Florian Eglin, nous avons rencontré le Français Claude Roulet à propos de la sortie en poche de son récit Tout sur le Ritz.

Bretagne Actuelle : Quel lien existe-t-il entre votre livre et l’actualité ?
Claude Roulet : Mon livre parle de la naissance de l’hôtellerie de luxe. On y découvre que l’établissement créé par César Ritz fut témoin d’événements qui ont contribué à la grande histoire. Depuis toujours, hommes d’affaires, politiques et diplomates négocient dans le confort des palaces les contrats et alliances qui feront le monde de demain.

Que vous inspire l’Europe actuelle ?
CR : Pour rester dans le sujet, d’un point de vue purement historique, les crises financières et politiques du XXème siècle ont très peu affecté l’hôtelerie de luxe, j’en explique les raisons dans le livre. Quant à mon opinion personnelle, je pense que la crise actuelle est le point culminant d’une succession d’erreurs politiques et financières qui, dans le pire des cas pourrait aboutir au chaos et à la guerre ou, dans le moins pire, à la disparition d’une Europe financière et lobbiste au profit de quelque chose de nouveau. Faute de quoi, d’autres pays profiteront de la situation pour briser l’entente européenne et réduire à néant 75 ans d’efforts.

Pensez-vous que nous soyons à une charnière de la construction Européenne ?
CR : Je le souhaite car persévérer dans l’état actuel nous ferait aller droit dans le mur. Une révision sérieuse et approfondie de la constitution européenne ainsi que de ses traités est urgente.  Au fil des pages de mon livre, on constate que l’idée d’une Europe-état était inenvisageable jusqu’au milieu du XXème siècle tant l’internationalisme était présent. Après la seconde guerre mondiale, le dualisme USA/URSS obligea le vieux continent à une troisème option qui accorda aux pays fondateurs de la CEE une certaine indépendance idéologique : ni capitalisme débridé, ni collectivisme triomphant. Malheureusement, le concept est depuis longtemps dévoyé. L’Europe est  devenu le monolithe ingouvernable que nous connaissons aujourd’hui.

Quelle place accorderiez-vous au régionalisme en Europe ?
CR : Ma faveur va à une Europe fédérale qui préserverait les régions et les cultures locales en les faisant participer pleinement à la vie du continent. Ce qui est envisageable à l’échelle allemande ou suisse, doit aussi l’être pour la France. Depuis 1789 le jacobinisme s’acharne à détruire certaines spécificités locales (donc culturelles) pour concentrer les pouvoirs dans la capitale ; et nous reproduisons la même erreur à l’échelle européenne avec Bruxelles. Est-ce irrréaliste d’imaginer que nos régions puissent un jour faire partie d’une supra-entité en échappant aux diktats de la capitale ? Cela accenturait la place de tout le monde : une place culturelle, économique, sociale, morale, une place objective ;  mais il faudrait que nos politiciens renoncent à certains de leurs pouvoirs…

Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
CR : Je ne suis ni optimiste ni pessimiste, mais dubitatif. L’autisme des politiciens européens n’augure rien de bon. Si des changements se produisent, ce sera par la voie du peuple. Mais le laissera-t-on faire ? Les gouvernances du monde ont échappé aux philosophes, aux humanistes et même aux politiciens pour tomber dans les mains de la haute finance qui ne travaille que pour son propre intérêt en ignorant délibérément les réalités du monde.

Si vous aviez le dernier mot, Claude Roulet ?
CR: Il est urgent de réétudier le passé avec réalisme pour préparer un meilleur avenir.

Propos recueillis par Jérôme Enez-Vriad – Mars 2016
© 2016 Bretagne Actuelle & J.E.-V. 

Tout sur le Ritz de Claude Roulet
Editions La Table Ronde
Collection La petite Vermillon
222 pages – 7,10€

Déjà parues, les interviews de 
Claire Fourier (Bretagne)
Jacques Richard (Belgique)
Florian Eglin (Suisse)

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