En 1917, il y a 100 ans, l'Europe découvrait le jazz. Le 26 juin 1917, les soldats américains débarquaient à Saint-Nazaire pour prendre part à la guerre avec, dans les poches, des disques de jazz : une musique alors totalement inconnue des Européens. Le 1er janvier 1918, la fanfare du 15e régiment d’infanterie new-yorkais quittait le Pocahontas, à bord duquel elle venait de traverser l’Atlantique, pour s’amarrer dans le port de Brest. Les premiers éclats d’une musique en voie d’être appelée jazz se firent entendre sur le quai. Ils en faisaient un drôle d'air ces instruments. Ils en firent un drôle d'air les premiers auditeurs du Finistère. 


Un mois plus tard, c’est sur les marches du prestigieux théâtre Graslin, à Nantes, que Jim Europe et son orchestre de musiciens soldats donnait son premier concert. Cette première communion culturelle entre la Nouvelle-Orléans et sa marraine européenne établit aussi un lien entre cet Etat qui défend son Français et cette région qui défend son Breton. Au moment où le Français décline en Louisiane, le Breton recule en Bretagne. Quand, des décennies plus tard, la culture française s’épanouit à nouveau et plus que jamais en Louisiane, le Breton, lui aussi, renaît de ses braises encore chaudes en Bretagne. L’échange entre les deux cultures ne s’arrête pas là. Les Bretons s’installent nombreux en Louisiane, y font fleurir crêperies et même clubs de gouren. Et la Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, trouve en Bretagne une terre musicale résolument fertile. 

Le jazz en Bretagne perpétue cette première valeur essentielle : l’échange interculturel. Le fantastique Atlantique Jazz festival vient de fêter son quatorzième anniversaire pendant un mois de concerts, d’expositions, de conférences autour du centenaire.

L’Atlantique Jazz Tour a lancé le festival à Châteaulin, Quimper, Crozon ou encore l’île de Groix; fusion et effusions big (rag) time ont donné le ton. Puis direction Brest pour une semaine de concerts et trois semaines d’événements à la croisée des arts.

Secouant tous les hauts lieux brestois du son, le jazz s’est même immiscé dans les écoles ! Spectacle Kids Sonatine pour la petite enfance et, pour les collégiens, des rencontres avec Rob Mazurek et Julien Deprez et l’exposition « Taste of Chicago » du brillant photographe Hervé Le Gall, aussi lié à l’Atlantique Jazz Festival qu’au Vauban et seul capable de faire entendre des instruments en les montrant.  Pour les étudiants enfin, concerts passerelles entre l’ONJ, le Nautilis et artistes The Bridge au Clous, et un concert exceptionnel au Vauban : l’orchestre jazz du Conservatoire, Rob Mazurek, Avreeayl Ra et l’Ensemble Nautilis étaient, pour un soir, le New Third Coast Orchestra. 

L’art de l’impro dans la lumière et le bruit donc, mais aussi dans l’ombre et le silence, sur le papier, avec des expos de dessins réalisés au cours des concerts des années précédentes, par Yann Bagot et Michel Dilvit. 

Dès le 11 octobre au Cabaret Vauban, on astiquait les cuivres en cuisine et sur scène pour le retour très attendu du festival. Trois soirées mémorables dans la mythique salle de concert du Vauban, liée depuis toujours à l’association Penn Ar Jazz, initiatrice de l’événement. Chicago, scène majeure du jazz et du blues depuis les années 20, était à l’honneur avec les Twins et la rencontre de deux géants : Roscoe Mitchell et Will Guthrie. L’Europe aussi, avec le planant concert offert par le saxophoniste serbe Bojan Zulfikarpašić, et le pianiste français Julien Lourau. Enfin, la Bretagne a prouvé, s’il le fallait encore, que le jazz est un langage qu’elle honore, une culture adoptée dont elle respecte les racines et élève les cimes. Il fallait ce dimanche brumeux d’automne pour découvrir Mycelium, prochain album du Jacky Molard Quartet. Le 15 octobre dernier, le sous-sol du Vauban s’est, pour l’occasion, mué en mush-room, en foule sentimentale transportée par un répertoire plein d’histoires pêchées en terres celtiques, bulgares, ibériques, et porté par la complicité émouvante du quartet et du saxophoniste François Corneloup. Violon, contrebasse, saxos et accordéon ont poussé le vice, touché les plus secrètes cicatrices et allumé les regards pour ce dernier soir, attention aux doigts, incandescent. 

L’Atlantique Jazz Festival nous donne rendez-vous l’année prochaine, mais on jazze toute l’année au Vauban ! Prochains rendez-vous : le Brest Babel Quartet (9 novembre), Jam au Vauban (28 novembre) et les Boclé Brothers (le 30 novembre). Plus d’infos ? OK

Et si vous en voulez encore, eh ben y’en a encore. Dès le 9 décembre, Jazz au Pays de Redon, 7ème édition. Oubliez les chaussons et la cheminée : cette semaine de swings endiablés devrait réchauffer vos petits pieds.

Julien Lourau et Bojan Z – Thibault Geenen

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