Cabadzi, c’est cinq musiciens. Trois « historiques », Olivier Garnier, Jonathan Bauer et Victorien Bitaudeau et deux petits nouveaux sur scène : Anne Berry (violon, chant, basse) et Pierre Thary (trompette, basse et violoncelle). Sur disque comme sur scène, le groupe marie instruments à corde et hip hop, slam et trompettes jusqu’à créer un univers qui ne ressemble à aucun autre. Il est difficile de les rapprocher d’une chapelle où d’un courant. Disons qu’avec Cabadzi, la musique urbaine a gagné un supplément d’âme, même si celle-ci est parfois un peu noire et triste. C’est toute la beauté de leur « petite musique » comme dirait Céline. Oui les bretons (ils sont nantais !) ne se contentent pas de raconter le monde et ses souffrances telles qu’ils les voient, mais inventent une zone de turbulence bien à eux où chacun est invité à partager un moment d’émotion. Assez original pour essayer de comprendre ce qui pousse le groupe à tant d’audace. Interview avec Olivier Garnier, chanteur et parolier du groupe. 


Votre concert à la Maroquine à Paris (mercredi 24 septembre) a été un véritable succès. Comment l’avez-vous vécu ?
C’était dur. C’est toujours compliqué un début de tournée. Ce rendez-vous à La Maroquinerie était le deuxième concert après notre résidence d’une semaine à Annemasse en Haute Savoie. Mais c’est normal. Tous les artistes, à la sortie d’un album ont du mal en début de tournée où les choses sont encore fraiches, fragiles… Il n’y avait que deux anciens morceaux, le reste vennait du dernier album. Ceci dit, c’était quand même un bon moment !
Et puis le groupe a changé. On accueille deux nouveaux musiciens : Anne Berry au violon alto et à la voix et Pierre Thary au violoncelle, à la basse et à la trompette. Le groupe doit se trouver.
En plus c’était une date parisienne. On était un peu attendu. Il y avait beaucoup de professionnels, notamment des festivals. (Ndlr. Ce concert était programmé dans le cadre des Ateliers des Franco avec la Sacem)

Le début d’une longue tournée ?
On sera sur la route jusqu’à mi 2015 environ. Il y a déjà une trentaine de dates de bookées  Et chaque jour une nouvelle scène se confirme. Sur le premier album on avait fait 140 concerts, on espère en faire autant avec « Des angles et des épines ». Une tournée qui passera bien sûr par la Bretagne !

Entre le studio et la scène, les morceaux sont beaucoup retravaillés ?
On a eu cette semaine à Annemasse pour retranscrire l’album sur scène. Une semaine c’est court, mais c’est indispensable. Il faut régler le son, les arrangements… En studio, on a le nombre de piste qu’on veut, les instruments qu’on veut. Pour la scène on est cinq et c’est tout. Il faut donc effectuer un travail d’épure : tu enlèves et tu rends visible et audible les choses. Ce travaille de réarrangement est indispensable.

Votre dernier album « Des angles et des épines » vient de sortir. Entre l’écriture du premier morceau et la livraison de l’album, il s’est écoulé combien de temps ?
L’album sort maintenant (ndlr : le 11 octobre), mais en fait il est fini depuis avril. Il a été écrit, composé, arrangé et enregistré en 6 mois. On travaille assez vite.

Quel est le processus de composition chez Cabadzi : qui fait quoi ?
On est 3 membres fondateurs de Cabadzi : Victorien Bitaudeau au beatbox et percussions, Jonathan Bauer à la guitare et à la trompette et moi (Olivier Garnier) au chant. On est tous les trois à l’origine de l’album et on était tous les trois en studio pour l’enregistrer. En revanche, à la fin des séances studio, comme on est fan de cordes et d’harmonie de cuivres, on cherchait deux musiciens capables d’en jouer. C’est comme ça que sont arrivés Pierre (trompette, violoncelle, basse) et Anne (chant, violon, basse).

Au final, ce mariage de slam et de cuivres illustrent ce qu’est la « poésie urbaine » et mettent en avant de véritables « histoire d’amour ». Vous êtes d’accord ?
Oui (pas convaincu)… L’amour de la réalité alors ! L’amour à la Céline. Notre univers c’est de l’humanisme noir. On va s’en sortir, c’est certain, mais ça passe par l’ouverture des poubelles.

Vous dites ne pas maîtriser les chiffres de vente pour les exemplaires numériques de votre dernier album. Quel est votre avis sur cette crise du disque qui n’en finit plus ?
Le numérique est un monde nouveau. C’est encore mal régi, mal pensé, pas bien en place. Le fait de dire qu’on ne sait pas combien d’albums numériques on a vendu est un clin d’œil. Même s’il y a un fond de vérité (rire). Concernant la crise du disque… L’arrivée du 2.0 est comparable au choc qu’a été l’invention de l’imprimerie. Les relations business, amoureuses, sociales, familiales… des hommes ont totalement changées. On est aux prémices de quelque chose qu’on ne maîtrise pas. On est submergé. Personne n’a le recul sur les changements que ça induit. L’album parle de cette période floue. Dans 500 ans les sociologues et les historiens en parleront comme d’un moment charnière. On passera dans une autre relation au monde comme on est passé dans une autre relation au monde après l’imprimerie. Aujourd’hui, est-ce que j’existe si je n’ai pas mon double virtuel ? Je pense que pour la plupart des gens c’est non ! Notre album parle de ce temps numérique et, par opposition, de la nature et du monde réel.

Votre album qui sort d’ailleurs sous forme d’un beau coffret !
Oui, c’est un bel objet. On a voulu livrer un objet unique. On sent ce retour vers l’artisanat, l’unique, fabriqué en peu d’exemplaires par opposition à ce flux permanent d’infos. Dans chaque coffret il y a des cartes postales et on a écrit un petit mot unique et différent à chaque futur propriétaire. On a rédigé 6000 mots pendant tout l’été. Ça nous rendu fou, mais c’était marrant !

Vous affirmez : « Ce disque serait engagé si nous étions russes, mexicains ou chinois et qu’en sortant nous risquions nos vies ». Cabadzi n’est pas un groupe engagé ?
L’album précédent a été perçu comme ultra gauchiste. On est des passionnés du fait politique. Au sens grec : emmener des gens vers un mieux être. Sauf qu’aujourd’hui, on est dégoutté et déçu par la politique. C’est pourquoi, on ne voulait pas être catalogué de « groupe engagé », car il y a beaucoup de démago derrière tout ça, de faux semblants, de postures. Ma vision de la politique, n’a jamais été de manifester. Si je m’engage, c’est en écrivant des textes ou en m’impliquant dans mon village au quotidien.
Notre musique n’est pas engagée parce qu’elle ne prend pas le risque de la mort. Moi en France je ne risque pas grand-chose, au contraire des colombiens qui s’engagent vraiment par exemple. (Ndlr : le groupe rentre d’une tournée en Colombie). Mes textes ressemblent davantage à des chroniques journalistiques qu’à des textes engagés, même si je viens du militantisme.

Justement. Cabadzi est un groupe nantais. Samedi 27 septembre, 35 000 personnes ont défilé à Nantes pour le retour de la Loire Atlantique en Bretagne. Qu’en pense le passionné de politique ?
J’ai toujours été pour le respect et la défense des terroirs. Je suis mayennais. J’adore et je revendique mes origines. Je viens d’une famille paysanne et ouvrière. S’il n’y avait pas eu l’école de la République et cette unité nationale républicaine, je pense que je n’en serais pas où je suis. Je suis pour l’unité nationale que je trouve fondamentale. Il faut respecter les spécificités de chacun : c’est important que la langue bretonne vive. J’ai étudié à Rennes et pendant de nombreuses soirées, je me suis opposé aux gens des écoles Diwan.

Du coup, La Loire Atlantique doit réintégrer la Bretagne ?
Je suis quelqu’un de l’Ouest. J’ai habité Le Mans, Rennes, la Vendée, près de Caen… Je suis des Mauges. En patois, ça veut dire « Les mauvaises gens ». C’est le territoire Choletais. J’adore ces terroirs. En Bretagne, c’est pareil, j’adore certains pays. Mais j’ai du mal avec la revendication bretonne. Etant mayennais je me sens autant breton qu’un rennais. J’ai du mal avec cette frontière historique. Quand je suis à Nantes, je ne pense pas être en Bretagne. La même chose quand je suis à Rennes, à Brest…    

Propos recueillis par Hervé Devallan

Sortie de leur album « Des angles et des épines » le 13 octobre

Site de Cabadzi
Chronique de leur dernier album

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