Ah, la nouvelle cuisine ! Servie à l’assiette et non au plat. C’était dans les années 70. Avant il fallait que ce soit bon, dorénavant il faudra que ce soit beau. Pas de mijoté, ni marinade, aucun faisandage, non plus de fermentation, on évite les sauces riches et surtout soyons inventif.


C’est comme ça depuis quarante ans. Mais attention… Danger ! La cuisine moléculaire est arrivée. Et là mes aïeux ça ne rigole plus ! Le vocabulaire en témoigne. On ne parle plus de « cuisine » et « gastronomie », mais de « disciple scientifique » ou d’« art chimique ». En gros, prenez du persil, transformez-le en poudre, faites-en une sorte de caviar végétal à servir sur des œufs reconstitués, d’un côté le jaune aggloméré dans une sphère translucide, de l’autre le blanc servi façon poisson pané en cube. Bon appétit !            

Bien entendu, je passe sur les adjuvent et additifs artificiels nécessaires à ces métamorphoses, (acide alginique E600, carraghénanes E407, farine de caroube E410, azorubine E122…) dont certains ont envoyé quelques patients aux urgences pour de graves allergies. Autrefois, le chef avait pour tâche de sélectionner le meilleur de la nature ; aujourd’hui, faire chic revient à mélanger des poudres et du perlimpinpin chimique.

Quid de la Bretagne dans cette gastronomie irréelle ? Aurons-nous un jour un restaurateur qui osera mettre sur sa carte une potée bretonne déstructurée avec saucisson-mimosa et pommes de terre en mousse ? Parce que, voyez-vous, la cuisine moléculaire est à la cuisine tout-court, ce que la Bretagne jacobino-française est à la Bretagne autonome. D’un côté l’oublie de l’Histoire et de la culture en inventant des cochonneries cosmétiques ; de l’autre, la force telle qu’elle n’a besoin d’aucun artifice pour en connaître la vérité. 

De fait, comme certains chefs ont trahi le principe (non pas le serment) d’Hippocrate spécifiant que l’alimentation doit-être un médicament et que le médicament est une alimentation ; de la même manière, certains politiques (y compris Bretons) ont abandonné l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fameux droit à l’autodétermination au nom duquel se fit la décolonisation, et que l’on oublie systématiquement s’agissant de la Bretagne ou de la Corse.

Je ne prône aucune indépendance et insiste sur l’évidence d’être plus fort unis que divisés. Pour autant, si l’Europe ne souhaite pas la « balkanisation » de son territoire, il va falloir qu’elle réduise son ingérence à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale des États, et que ces derniers procèdent de la même façon quant à leurs régions. C’est en construisant la Bretagne, en construisant l’Ecosse, en construisant la Corse, le Pays Basque, la Catalogne et d’autres que l’on fera l’Europe, la vraie, celles des régions qui font les nations.

A propos, la cuisine moléculaire est tombée en désuétude le jour où le marketing n’a plus su qu’en dire. On ne fait pas table rase d’Escoffier et Brillat-Savarin en vendant des perles de pamplemousses. Pas davantage que l’on ne refuse une autonomie régionale en posant les lignes rouges à ne pas dépasser.

La cuisine interne des capitales européennes face à leurs régions, ne vaut pas davantage que les molécules chimiques des cuisiniers désenchanteurs. N’est pas Merlin qui veut. Arrêtons d’avaler des couleuvres, fussent-elles servies en poudre sur un lit de perles tricolores.

 


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Edito

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