Photographier des collectionneurs de disques vinyles chez eux… Le pari est osé. Le résultat est flamboyant. Avec Dust & Grooves, Elion Paz dépasse le simple portrait et livre un véritable art de vivre. Une tendance profonde ?
Le vent tourne. La brise des tendances devient cool et légère. En ne prenant que le meilleur du passé, en laissant de côté l’urgence de notre présent, l’avenir s’annonce parfois imaginable. Du moins dans la culture. Côté musique, quelques labels s’y emploient comme Numero Group à Chicago ou Stone Throw Records à Los Angeles. Point commun ? Un retour du vinyle et une exigence extrême à soigner le son, que ce soit dans la production d’artistes contemporains ou de lumineuses rééditions en séries limitées. En Bretagne, le phénomène ne déroge pas à cette nouvelle règle où les boutiques de disques vinyles se multiplient (sauf à San Brieg manifestement…) et proposent ce qu’Internet est bien paradoxalement incapable de nous offrir : le conseil et la découverte.
Entre vintage et design, art de vivre et tendance sociologique (prendre le temps), il n’y a aucun rejet, mais un rythme alternatif et parallèle qui regarde étonné l’économie foncer droit dans le mur. En attendant, les bonnes surprises ne cessent de jaillir et les pépites de se multiplier. La révolution est en marche.
Dust & Grooves est de cette engeance. Eilon Paz, un photographe de Brooklyn, s’est amusé à photographier les plus grands collectionneurs de disques vinyle dans le monde. Mis en ligne sur son site, l’aventure s’est transformée cette année avec la parution d’un extraordinaire livre qui dresse le portrait de ces passionnées de l’impossible au cœur de leur démesure. Des centaines clichés saisissent ces hommes et ces femmes dans leur intimité, leur folie où le vinyle rassemble bien davantage qu’une communauté dé dingues cultivés, mais ouvre une véritable porte sur une esthétique mariant démesure absolue et bon goût extrême. Au-delà des thèmes collectionnés, compilés, empilés, rangés, classés, c’est aussi et surtout le lieu, la pièce qui abrite et héberge cette collection (on parle ici de plusieurs milliers d’items) qui attire aussi le regard. De l’immobilier à l’installation hifi, chaque détail compte. Bien sûr, outre le collectionneur dans son jus, le fil rouge de l’ouvrage reste la fière exhibition du graal ou de l’enfer de la collection. Et que l’on parle jazz, latino, rock, soul, opérette, BO, qu’importe. Seul l’objet est sanctifié. L’objet et son propriétaire qui de plus en plus souvent se transforme le soir venu en de véritables DJ livrant ses secrets aux béotiens dans des bars branchés. Un art de vivre bien loin de la boboitude et que l’on retrouve parfois chez les amateurs de motos vintages, de vins de garage ou d’objets de marine. Epicuriens avant tout ?
Site officiel
Dust & Grooves, adventures in record collecting disponible sur le site Dust & Grooves, photographié et rédigé par Eilon Paz. 420 pages, 45€ environ