L’histoire de la bande-dessinée « Audubon, sur les Ailes du monde » recèle plusieurs intérêts de lecture : l’évocation de la vie passionnée du peintre naturaliste Jean-Jacques Audubon, l’histoire des Etats-Unis d’Amérique, pays naissant et se développant rapidement, et même un western avec des bandits et des indiens…
Pourtant le fil rouge de tous ces éléments est bien la nature, si belle et si fragile, évoquée à travers les oiseaux peints par Audubon, les grands espaces américains qu’il traverse toute sa vie, et leur destruction par l’homme blanc conquérant. Une nature qui regorge encore de vie, encore vierge, mais rapidement saccagée par l’activité humaine. Audubon constate d’ailleurs la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux. Une conscience écologique commence déjà à poindre chez notre peintre-coureur des bois en ce début de XIXè siècle.
Cette fiction concoctée par l’auteur nantais Fabien Grolleau, inspirée des écrits d’un des plus célèbres Bretons d’Amérique, est servie par les dessins du bruxellois Jérémie Royer. Un trait un brin naïf, des couleurs au charme suranné, et jusqu’à une couverture qu’on a plaisir à caresser comme un vieux cahier herbier. On pense aux tableaux du XIXè siècle, ce siècle si fécond en arts et en sciences, justement les deux « jambes » sur lesquelles courent John-James Audubon toute sa vie.
Cette bande-dessinée n’est pas une biographie mais une fiction inspirée de la vie, des peintures et des écrits d’Audubon, parti de Nantes pour fuir la conscription napoléonienne, débarqué en Amérique pour y rester et devenir citoyen américain. Les auteurs ont donc pu prendre quelques libertés avec sa vie (par exemple sa rencontre avec Darwin, qui n’est pas avérée) mais c’est à l’image du personnage, lui-même un peu mythomane dit-on. Le duo brito-belge a aussi imaginer ses rêves, mettant en scène ses parents, la Loire, sa famille… celle-là même qu’il abandonna pour parcourir le Mississipi ou le Missouri.
Beaucoup d’éléments dans cette bd donc, sauf sa vie nantaise, jusqu’à 18 ans, « qui est intéressante mais qui aurait rajouté une dizaine de pages » selon Fabien Grolleau. On se consolera avec la reproduction, en fin d’ouvrage, de plusieurs de ses peintures d’oiseaux dans des scènes de vie saisissantes de réalisme.
Reste un livre plaisant à lire, nostalgique, naturel, presque poétique. On peut lire « Voyage en Amérique » ou la poésie en prose des« Natchez » de Châteaubriand, compatriote contemporain d’Audubon. On peut aussi lire la poésie en bd de « Sur les ailes du monde, Audubon ».
Sur les ailes du monde, Audubon, de Fabien Grolleau et Jérémie Royer, éditions Dargaud. 21€