Au bord de la mort HermineHermineHermine

Nous pourrions ici feuilletonner à l’ancienne. Chercher donc en quoi Alain Rémond critiqué juste à côté voisine avec Philippe Le Guillou. On trouvera vite  que les attentats parisiens ont bousculé l’un et l’autre. Ravage mortifère. Philippe Le Guillou quitte la capitale par une aube grise de Montparnasse. Personne que lui, ou presque, dans le TGV qui le ramène à Morlaix en ce début de livre.


Au bord de la mort

Ce début qui nous livre la fin, la fin de quelqu’un, la fin de pas n’importe qui. La mort de son père est au bout du train, Terminus Morlaix.

Terminus l’Arrée, terminus la forêt du Cranou, les rives d’Elorn et les truites visqueuses d’Aulne. Toute la féerie de Philippe Le Guillou opère, y compris dans ce petit livre publié chez Gallimard, dont le genre est établi : c’est un tombeau.

Le Guillou nous rappelle avec une juste émotion tout ce que ce père a été et tout ce qu’il ne fut pas pour lui. Ce père, chef des Contributions à Bourbriac ou à Fontevrault, le receveur municipal de Morlaix, un fonctionnaire rigoureux et précis, surtout un comptable impeccable dont les chiffres sont le royaume quand on sait comment le fils a tourné !

Le fils l’avoue. Son saut générationnel l’a davantage arrimé à ses grands pères, les conteurs qu’on a vu vivre dans la série majuscule des romans finistériens. Le grand père maternel, conteur sans voix, celui du naufrage et l’autre, le grand-père partenel, conteur bavard et picaresque si le picaresque réside sur nos rives les plus occidentales. Les bords ourlés de l’Aulne out ourlé les récits, fait grandir les pensées, élargi les sensations, ramenant l’auteur aux fées, aux pierres qui susurrent ou qui chantent, aux herbes de sourire et donc à miz-du et à l’ankou.

Le père meurt. Il meurt en novembre, ne laissant que des colonnes de chiffres.  Le fils lui rend ici l’hommage doux aux trépassés. Il trouve dans un tiroir, cherchant en pleurant, écrit de la main paternelle, seulement un texte recopié d’un journaliste parisien venu dans les années soixante à la rencontre du rustique, pire, du sauvage enguenillé de la Bretagne la plus arriérée. Le père en est choqué, comme nous le sommes ! (Sans doute un reportage sur Trémargat dont le moderne est à présent l’essence même!).

Dans Novembre, Philippe Le Guillou écrit ce qu’il n’avait que peu écrit, le presque rien, l’en-deçà, le Credo de sa main posée sur le poignet de l’homme en train de s’éteindre. Étreinte légère comme au Faou quand les vents jaunissent, en plus des lichens, les pierres du clocher amarré aux marées.

Philippe Le Guillou nomme le mort qui passe avec la foi chrétienne. Il y a aussi cela de commun avec Alain Rémond dont on a dit le dernier petit ouvrage. Le Guillou a la langue des hauteurs, la littérature est sûre y compris en notes courtes qui césurent l’écrit. Rémond est un journaliste vif et aguerri. Le Guillou un écrivain de haute mer.



Novembre par Philippe Le Guillou, Gallimard – 12€

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Edito

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