Après avoir a connu la grande époque rennaise, jouant avec Marquis de Sade, fondant Private Joke à Nantes, il a été l’un des artisans du son des années 80, complice d’Etienne Daho pour certains de ses grands titres et disques. Connu aussi pour le tube Adelaïde, qu’il interprétait en duo avec Zabou Breitman en 1986, Arnold Turboust a suivi un parcours multiple, en studio pour les autres et en solo. Il a eu raison d’intituler son 5ealbum de son nom tant il est un élégant condensé de ses talents : des mélodies incomparables, une délicatesse rare, des textes mêlant habilement légèreté et profondeur, une voix faussement réservée. Une harmonie globale qui reste en tête telle Souffler n’est pas jouer, modèle idéal de chanson empreinte de douce mélancolie. Et l’homme qui aime la tranquillité du studio recommence bien heureusement les concerts. Histoire du retour sur scène d’un amoureux de la Bretagne.

La réalisation de cet album s’est étalée dans le temps ?
J’ai fait cet album, un peu par correspondance, avec un ami qui s’appelle Richard Conning (du groupe Torch Song) avec lequel j’ai déjà travaillé. Il habite à l’autre bout du monde, à Los Angeles. Donc on a commencé l’album en 2012, on l’a réalisé tranquillement et on l’a terminé en 2015.

Quelle est la genèse de cet album ?
Ecrire des chansons est ce que je préfère faire. A partir du moment où j’ai beaucoup de mélodies, je me dis qu’il serait bien de les enregistrer, de faire des maquettes. Au début je ne sais pas si c’est pour moi ou pour d’autres et en fait, celles-ci étaient pour moi !

Vous en avez écrit tous les textes ?
Oui. On a fait les musiques à deux. Je suis plus le compositeur et Richard Conning s’est plus occupé de production, d’arrangements, de bien faire sonner l’album.

Vous aviez déjà travaillé avec lui, notamment avec Etienne Daho ?
C’est avec Richard Conning qu’on a fait l’album Pop Satori (1986). Et ensuite, il a produit mon premier album qui s’appelle Let’s go à Goa (1988). Je l’ai retrouvé plus tard à Paris où il était venu passer quelques jours et il m’avait dit que ce serait bien qu’on retravaille ensemble. J’ai ensuite commencé à lui envoyer des débuts de chansons.

Vous dites être plus un intuitif. Vous aviez une ligne directrice en termes d’atmosphère pour cet album ?
Je savais que l’ambiance musicale serait plus synthétique, plus électronique. Je ne voulais pas qu’on enregistre de batterie par exemple. Je pense que cet album est un mélange de chansons d’atmosphère, d’autres plus rapides… Avec Rico, on avait commencé à faire un album instrumental. J’ai d’ailleurs conservé un titre instrumental (Code Spg).

Vous écrivez les textes toujours après la musique ?
Oui, généralement, je compose des mélodies et je m’applique ensuite à trouver des textes, des titres. Il est rare pour moi d’avoir d’abord un texte.

J’ai le sentiment que cet album est faussement léger. On sent dans les textes plus qu’une pointe de mélancolie.
On est ce qu’on est… Ce n’est déjà pas si mal que ça… (rires) C’est peut-être ce que j’ai essayé de donner. C’est vrai que ça paraît léger mais je ne pense pas que ça le soit vraiment…

De la nostalgie ?
Ça doit me ressembler… (rires) Mais comme beaucoup. Il y a une forme de nostalgie qui est très agréable en fait, qui fait du bien. C’est ce que j’essaie de faire. Même si j’aime aussi l’instant présent !

Dans Que La fête commence, cette nostalgie me paraît évidente…
Je me suis inspiré d’abord du film de Bertrand Tavernier (Que la fête commence, 1975) qui évoquait la Régence, époque prérévolutionnaire. Je trouvais que c’était un beau titre. Et c’est un titre qui peut s’appliquer à l’époque actuelle. Au début, je pensais que ça pourrait être le titre de l’album. Mais je n’avais pas de visuel qui correspondait vraiment.
C’est une nostalgie assez agréable justement. J’ai remarqué d’ailleurs que l’album d’Orelsan s’appelle La fête est finie… ce qui est encore plus dur.

Vous reprenez une chanson de Charles Trénet. Il est important pour vous ?
Oui, au fil des années, je me rends compte qu’il est aussi important pour moi que Serge Gainsbourg. Ce texte, Le soleil et la lune, est magnifique. Chacun peut y lire ce qu’il a envie, avec beaucoup de symboles.
Pour une reprise, c’est intéressant de trouver l’angle, la tangente, une façon différente d’interpréter la chanson. Je l’ai énormément ralentie et c’est un plaisir de chanter ces mots.

On pourrait presque dire que Charles Trénet était un artiste pop ?
Je pense que c’était l’un des précurseurs, oui. Cette façon si moderne, si facile d’écrire. Il était inspiré aussi par le jazz, le ragtime américain. Il appréciait beaucoup Nat King Cole, Cole Porter, Gershwin…

Vous retrouvez la scène. S’éloigner du studio a été douloureux ?
Non. Je le pensais au début. On a fait une dizaine de dates et ça se passe vraiment bien. On est à deux ou à trois sur scène. Je joue avec Yann Le Ker qui est compositeur et guitariste. A deux, on arrive à reproduire cet album et des chansons plus anciennes. C’est aussi l’intérêt, y compris Adelaïde (tube d’Arnold Turboust, chanté en duo avec Zabou Breitman, en 1986).

Vous êtes heureux de la chanter à nouveau sur scène ?
J’ai l’impression que ça fait plaisir à beaucoup de monde. Je m’aperçois que quand je mélange tous ces morceaux, il y a une logique, un fil conducteur, un genre qui doit être le mien. Donc c’est plutôt agréable.

L’accueil du public est chaleureux ?
Oui, il est bon. Au début j’étais terrifié. Mais maintenant ça va.
Je me souviens d’une tournée au Japon avec la chanteuse Clémentine. Un brésilien qui assurait la première partie m’avait dit avant d’entrer en scène : « D’abord c’est l’angoisse, ensuite la peur puis la terreur… » (rires)

Vous avez été un artisan du son des années 80. Quel parallèle peut-on faire avec l’époque actuelle ?
Les moyens ont changé. Cet album, je l’ai fait chez moi… On peut maintenant très bien réaliser des chansons chez soi, les arranger, les faire bien sonner… Le seul parallèle que je puisse faire, c’est que mon inspiration reste la même, mes mélodies ne sont pas très différentes de celles des années 80. Elles varient selon mon humeur mais l’ambiance est toujours un peu la même. Je pense qu’on fait toujours la même chose, même si on le fait différemment.

Vous m’avez parlé d’Orelsan. Vous m’aviez déjà dit comme le groupe américain De la Soul vous avait impressionné dans les années 90. Vous êtes toujours ouvert aux nouveautés, notamment au rap ?
Il y a des musiques que je trouve très bien faites et je suis curieux des nouveautés. C’est important de s’ouvrir et d’écouter tout. J’aime beaucoup, par exemple, Frank Ocean, notamment l’album Channel Orange.

Vous êtes resté fidèle aux claviers pour cet album ?
Il est très pianistique. Toutes les chansons peuvent être jouées juste piano-voix.

Vous avez de nouveaux projets ?
Plusieurs en cours. J’ai recommencé à écrire des chansons pour moi et on m’a proposé d’écrire pour d’autres et de participer à des enregistrements.

Vous êtes normand. Vous avez été breton, rennais, nantais puis parisien, londonien pendant un moment… La Bretagne reste importante pour vous aujourd’hui ?
Oui. Il existait, je crois, une quincaillerie Turboust, à Rennes au 19esiècle. Donc je crois que j’ai des accointances avec Rennes !
J’ai des amis du côté de Saint-Brieuc. J’y viens de temps en temps et j’aime beaucoup cette côte : Binic, Saint-Quay Portrieux… Mais je me souviens avoir fait le tour de la Bretagne que j’ai beaucoup aimé.

La Bretagne a été une source d’inspiration ?
Oui. Quand je suis arrivé à Rennes, on y créait tout. D’ailleurs, le premier album d’Octobre, auquel j’ai participé, va ressortir. Il y avait tout quand je suis arrivé : des personnes qui organisaient des concerts, un studio d’enregistrement à Melesse, le studio DB… Donc Rennes était vraiment un lieu de création privilégié à cette époque, au tout début des années 80.

Existe-t-il un caractère breton selon vous ?
Assurément. C’est une terre d’accueil d’abord, notamment musicalement et culturellement. A chaque fois, je suis accueilli d’une façon incroyable par des personnes que je ne connais pas. Il y a quelque chose de festif, de joyeux.
Toute cette vague pop et new wave est née, dans les années 80, en partie à Rennes. J’ai habité aussi à Nantes à l’époque qui était très agréable mais c’était beaucoup plus difficile.

Ce passage à Rennes a décidé de la suite de votre parcours ?
Clairement. Si je n’y étais pas venu, je ne crois pas que j’aurais fait de la musique. Ça m’a donné l’opportunité de pouvoir débuter, pour avoir rencontré les bonnes personnes, être dans les bons événements, au bon moment.

On peut espérer que vous jouiez en Bretagne bientôt ?
On peut l’espérer ! Avis aux organisateurs. Je répondrai présent !

Propos recueillis par Grégoire Laville
Album : Arnold Turboust – Adelaïde Label

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